Finlande : Le Lièvre de Vatanen par Arto Paasilinna

Ma fille m’avait rejoint à Helsinki dans l’après-midi et nous avions pris le ferry pour passer la soirée sur l’archipel qui abrite la forteresse de Suomenlinna. C’était un soir ensoleillé de la fin juin, et il était agréable de faire le trajet en bateau pour voir la capitale finlandaise depuis la mer et ensuite se promener, malgré mon pied cassé, à travers les casemates, églises et maisons en bois qui parsèment ces îles encore habitées et que des ponts relient entre elles. L’endroit était propice pour en apprendre plus sur l’histoire de la Finlande : la citadelle fut construite par les Suédois pour protéger Helsinki des armées russes, elle fut ensuite occupée par ces mêmes Russes, avant de devenir finlandaise lors de l’indépendance du pays en 1917. De nos jours, ce lieu a perdu toute vocation militaire et est devenu un musée en plein air. Nous y avons trouvé un excellent restaurant pour y dîner « al fresco ». Au fil de nos promenades, nous avons profité de l’air marin, montant et descendant les chemins bordés de buissons de lilas mauves et roses. De temps à autre, un lièvre sortait du buisson, courait sur quelques mètres, et s’arrêtait pour nous jeter un coup d’œil avant de repartir.

Helsinki
Suomenlinna

Ces rencontres avec les lièvres de Suomenlinna ne pouvaient que m’encourager à poursuivre l’écoute du livre audio que j’avais prévu pour ma visite en Finlande : « Le Lièvre de Vatanen ». Dans le roman d’Arto Paasilina la rencontre initiale est plus dramatique. Vatanen est un journaliste qui rentre avec un collègue d’un reportage à Heilona. Sur la route du retour, leur voiture percute un lièvre. Ils s’arrêtent et tandis que le collègue vérifie qu’il n’y a pas de dégâts à la carrosserie, Vatanen s’avance dans le bois à la recherche de l’animal. Il le trouve, encore tout jeune, tremblant suite au choc. Vatanen le saisit, le calme et lui confectionne une attelle pour soigner sa patte. Il reste sourd aux cris de son collègue qui l’appelle à revenir sur la route et remonter dans la voiture. Au contraire, il s’enfonce dans la forêt, tenant le lièvre dans ses bras.

C’est le début d’une longue errance pour ce journaliste qui décide d’un coup de plaquer femme, travail et appartement, et ce lièvre qu’il soigne et apprend à nourrir. Le duo parcourt la Finlande en montant vers le Nord. Leur itinéraire est souvent cocasse et parfois semé d’embûches. Ils sont d’abord poursuivis par la femme et les anciens collègues de Vatanen qui ne s’expliquent pas sa disparition. Ils sont confrontés ensuite à la police et aux tracasseries administratives. Ils avancent alors plus loin dans la forêt, le long des rives des lacs qui irriguent les steppes du Nord. Mais même quand ils cherchent abri dans les cabanes de bûcherons les plus reculées, ils tombent encore sur des personnages bizarres et hauts-en-couleur qui ne comprennent rien à cet homme qui ne demande qu’une chose :  qu’on le laisse en paix, profiter de la nature et s’occuper de son lièvre.

Le roman de Paasilina fait parfois penser aux aventures de Don Quichotte : les situations burlesques se succèdent et font sourire, mais en trame de fond, on peut aussi y lire une fable avec une morale sur les entraves du monde moderne et l’appel d’un retour à la nature. Publié en 1975, il a été vu par certains critiques comme un des premiers romans écologiques. Il fut adapté au cinéma en finlandais par Risto Jarva (L’Année du lièvre, 1977, la version intégrale sous-titrée en anglais est disponible sur YouTube) et ensuite plus tard en 2006 par Marc Rivière (Le lièvre de Vatanen, en français avec Christophe Lambert – mais il faut noter que l’action est transposée au Canada).

C’est le roman parfait pour découvrir la Finlande, ce que nous fîmes dès le lendemain de notre visite à la forteresse. Même si nous sommes restés plus au sud que Vatanen, nous avons profité des forêts, des lacs, des petites villes et vieilles églises de ce pays où comme un lièvre qui jaillit des fourrés, la nature appelle à l’escapade.  

Rauma
Turku

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