Kanchanaburi, Thaïlande : « Le Pont de la rivière Kwaï » par Pierre Boulle et « Kwaï » par Vincent Hein

Sans doute les sifflements en cadence les plus célèbres de l’histoire du cinéma. Alors que je passais une journée à explorer les environs de Bangkok, mon Lonely Planet me rappela que le fameux « Pont de la rivière Kwaï » se trouvaità deux heures de route au Nord-Est de Bangkok, dans la direction de la frontière avec le Myanmar. Ni une, ni deux, je rajoutais Kanchanaburi, la ville au bord de la Khwae Yai, à mon itinéraire.

Du film, que j’avais vu dans mon adolescence, je n’avais que de vagues souvenirs : la marche sifflée des prisonniers britanniques et Alec Guinness jouant un colonel fier et obstiné, qu’un séjour dans le « four », une cellule trop petite pour s’y tenir debout et exposée en plein soleil, ne parvient pas à briser.  

Arrivé à Kanchanaburi, j’ai franchi à pied, dans les deux sens, le pont métallique noir. Je me suis écarté pour laisser passer un train des chemins de fer thaïs qui avançait au pas. Le pont, et la rivière, ne ressemblent en rien au décor du film, mais ce n’est pas étonnant puisque la production hollywoodienne a été tournée au Sri Lanka.

Je me suis ensuite rendu au « Thailand – Burma Railway Centre » pour en apprendre plus sur l’histoire de la construction du pont et du chemin de fer, ordonnée par l’administration japonaise pendant la seconde guerre mondiale pour compléter la liaison entre Bangkok et Rangoon et ainsi faciliter l’effort de guerre nippon en Birmanie. Le train fut surnommé « le chemin de fer de la mort » parce qu’il fut construit dans la jungle par le travail forcé d’environ 180 000 civils asiatiques et 60 000 prisonniers de guerre alliés. On estime que 90 000 civils et 16 000 prisonniers de guerre y laissèrent la vie. Loin des scénarios de cinéma, le musée documente et illustre bien le contexte historique ainsi que les conditions de vie épouvantables des prisonniers-forçats. Juste en face du musée, le cimetière militaire accueille dans une sobriété émouvante les tombes de près de 7000 soldats du Commonwealth et des Pays-Bas.

Après avoir été construit par des prisonniers sous les ordres de l’armée japonaise, bombardé par les Américains à la fin de la guerre et reconstruit grâce aux dommages de guerre payés par le Japon à la Thaïlande et avant de devenir un film célèbre, « Le Pont de la rivière Kwaï » est un roman de l’écrivain français Pierre Boulle.  Celui-ci servit comme agent secret pour les Forces Françaises libres à Singapour avant d’être emprisonné pendant deux ans dans un camp de travail, expérience dont il tira la matière du roman. Je viens de lire le livre et de revoir le film. Le roman est court, bien écrit et transmet bien la tension entre la nécessité de maintenir moral et discipline parmi la troupe qui pousse le Colonel Nicholson à mettre toute son énergie derrière la construction du pont, et les impératifs stratégiques des alliés qui commandent de saboter le pont. Le livre – comme le film – est cependant assez daté dans sa mise en exergue des vertus civilisatrices de l’organisation occidentale face au chaos asiatique. Mais sans doute en cela traduit-il avec assez de fidélité l’état d’esprit des officiers britanniques à l’époque.

La fin du roman et celle du film sont tout-à-fait différentes. Je n’en dévoilerai pas plus. J’ai aussi, dans la foulée de mon passage sur le célèbre pont, lu avec beaucoup d’intérêt le récit intitulé « Kwaï » de Vincent Hein. L’écrivain français, qui se souvient d’avoir regardé le film avec son père pendant son enfance, explore Kanchanaburi et les endroits qui rappellent la tragédie du chemin de fer de la mort. Ce trajet ouvre sur une fascinante réflexion sur la guerre, la mort et l’histoire de sa famille.

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