La journée avait été longue et gorgée de soleil. La nuit tombait maintenant en douceur sur une campagne de champs dont le vert ondulant sous le vent était ponctué de quelques granges rouges. Une paire de chevreuils surgit sur le bas-côté.
Je rentrais à Göteborg après avoir passé l’après-midi et la soirée à Fjällbacka, un petit village de pêcheurs du Bohuslän, cette côte déchiquetée et parsemée d’iles qui monte de l’Ouest de la Suède à Oslo. La bourgade ne compte pas plus de mille habitants l’hiver, mais l’été, elle accueille de nombreux visiteurs. A la mi-juin, juste avant la haute saison, je passais plusieurs heures à déambuler dans les petites rues et m’émerveiller devant les maisons de bois de toutes les couleurs qui forment une anse autour du port. Je marchais le long des quais où mouillent une multitude de voiliers pour mieux voir la colline de granit rose qui surplombe le village. Enfin, après un dîner de poisson sur une terrasse, je grimpais en haut de la falaise, empruntant un chemin escarpé où l’on doit passer sous le Kungsflytan, un rocher suspendu, bloqué dans sa chute entre deux parois.
Arrivé au sommet, je profitais d’une vue somptueuse. La mer, les îles au large, les forêts le long de la côte et le village en contre-bas, tout s’offrait à la lumière du lent coucher de soleil des étés scandinaves. Il était facile d’imaginer pourquoi l’actrice Ingrid Bergman avait fait de Fjällbacka sa retraite suédoise, loin des tumultes d’Hollywood.
Ce qui était moins clair, c’est pourquoi Camilla Läckberg, une des reines du polar nordique, avait choisi ce même petit port idyllique pour mettre en scène les crimes de ses romans. La réponse est sans doute qu’elle a grandi dans ce village qu’elle connait donc mieux que les estivants de passage. Et même si, en réalité, Fjällbacka n’a pas un passé marqué par les crimes ou les morts violentes, la romancière a dû percevoir les secrets et les drames familiaux qui se cachent derrière les proprettes maisons de bois du port.
Peut-être est-ce aussi le contraste entre l’été et l’hiver ? Il est aisé d’être heureux en Suède autour du solstice d’été. Mais, dans « La Princesse des Glaces », c’est au cœur de l’hiver qu’Erica Falck revient dans son village natal et tombe, dans une maison glaciale, sur Alexandra, son amie d’enfance, morte, les poignets tailladés, nue dans sa baignoire.
Erica n’est pas policière, mais une biographe qui, comme Camilla Läckberg, a quitté le village pour la ville, Göteborg, au sortir de l’adolescence. Mais elle était proche d’Alex et la famille de celle-ci lui demande d’écrire quelques pages sur la défunte. Erica s’installe dans la maison de ses parents qui sont morts quelques mois auparavant et que sa sœur et son beau-frère voudraient vendre. Elle retrouve vite ses repères dans les petites rues et se demande si Alex s’est suicidée ou non.
Elle creuse dans ses souvenirs et dans le passé de son amie. Elle se rappelle qu’au milieu de l’adolescence, Alex avait coupé les ponts avec elle de manière abrupte et puis déménagé. Pourquoi ?
Au sein de la police locale, Patrik Hedström, est en charge du dossier. C’est un ami d’enfance d’Erica et il a toujours gardé pour elle une flamme secrète. Ils se retrouvent le soir pour dîner, échangeant leurs découvertes sur l’histoire tragique de la jeune femme et sur les derniers rebondissements de l’enquête. Peu à peu, ils rapprochent l’un de l’autre, et en même temps, de la vérité sur la mort d’Alex.