J’avais entamé « L’étrange destin de Wangrin » de l’écrivain malien Amadou Hampaté Bâ dans l’avion qui m’emmenait vers Bamako. Je continuais de lire chaque soir un chapitre sur la chaise longue au bord de la piscine de l’hôtel après avoir nagé quelques longueurs pour me détendre de ma journée de travail. Je commençais à tomber sous le charme, non seulement du style, mélange captivant d’ironie et de tradition, d’Hampaté Bâ, mais aussi du personnage de Wangrin, cet interprète dans l’administration coloniale, un roublard qui piège les officiels français, s’enrichit et fait profiter le peuple malien de ses largesses. Il faisait un peu penser à un Robin des Bois africain.
Un soir, je pris un taxi pour assister à un spectacle de poésie-slam à l’Institut Français de Bamako. J’avais déjà pris goût dans un café-spectacle de Ouagadougou à cette forme de poésie plus rythmée, percutante et engagée que les textes d’anthologie que nous lisions sur les bancs de l’école secondaire. J’étais donc curieux de découvrir les talents maliens. Je fus notamment séduit par les textes de la jeune Hadizatou Dao. Je me souviens d’un slam qui fustigeait la corruption, comment elle gangrène la société malienne, des plus hautes sphères du gouvernement jusque dans la vie des écoliers.
Tout bien pesé, la roublardise qui avait permis à Wangrin de tirer son épingle du jeu au temps de la colonie et de se moquer de la superbe des Français, n’était-elle pas devenue une chape de plomb paralysant le Mali et bouchant les horizons de sa jeunesse ? Je ne vais pas tenter une longue dissertation sur l’influence de la colonisation sur la corruption en Afrique, mais je trouvais le contraste entre les deux textes fascinant.
Après le spectacle de slam, je terminai la lecture du récit d’Hampaté Bâ avec autant de plaisir, mais peut-être un peu plus de recul, notamment lorsque Wangrin, ayant quitté l’administration après s’être attiré trop d’ennemis, se lance dans les affaires, mène grand train, avant de décliner, emporté par l’alcool et les plaisirs. Il mourra pauvre, mais lors de son enterrement, même ses adversaires les plus acharnés, viendront rendre hommage à son glorieux parcours.
Pour préparer cet article, j’ai googlé Hadizatou Dao pour essayer de retrouver une vidéo ou le texte de son slam sur la corruption. Je ne suis pas tombé dessus, mais j’ai découvert avec plaisir qu’elle avait représenté le Mali à la Coupe du Monde de Slam en mai 2020 et avait décroché une très belle 5ème place. COVID oblige la compétition s’est tenue virtuellement. Je vous propose d’écouter deux de ses performances que j’aime beaucoup : « 21ème siècle » et « Une vie de net ».
Quel plaisir d’être ainsi replongé dans cette ambiance africaine ! Merci Damien !
Merci beaucoup