Ombrie : Un été en Italie par Barry Unsworth et le Cantique des Créatures de Saint François

Une grande maison pour une grande famille. Des murs anciens dont les pierres protègent de la chaleur estivale. Une large terrasse où se prennent les diners le soir et d’où le matin se découvre un paysage vert, jaune et ocre, de forêts, de collines et de vignes. Quelques cyprès et les tours d’un village médiéval se profilent sur les crêtes des vallées.  Difficile d’imaginer un lieu plus parfait pour passer des vacances familiales et servir de base pour explorer les villes d’Ombrie.

Todi

Dans le roman « Un été en Italie (After Hannibal) » de l’écrivain anglais Barry Unsworth, cette maison en Ombrie est le rêve qui anime Harold et Cecilia Chapman, un couple anglais qui vient d’acheter une bâtisse dans les collines.  Mais ce rêve se fissure quand ils entrent en conflit pour une sombre histoire de chemin d’accès avec leurs voisins, une famille de paysans opiniâtres, les Checchetti. Ils font alors connaissance avec les autres habitants du voisinage : Monti, un professeur d’université, spécialisé dans l’histoire pérugine, mais que sa femme vient de quitter ; Ritter, un allemand qui vit seul et semble obsédé par ce que son père a fait pendant la guerre dans ces collines ; deux homosexuels italiens et les Green, un couple d’Américains, nostalgiques de leur voyage de noces entre Pérouse er Assise mais qui, pour la rénovation de leur maison, se font gruger par un « project manager » anglais et un entrepreneur italien. Tout ce monde se retrouve, d’une manière ou d’une autre, dans le cabinet de Maître Mancini, avocat à Pérouse, qui semble avoir solution à tout et regarder ces péripéties avec une hauteur très historique.

Le roman, plein d’humour, va bien au-delà du récit classique du britannique qui doit s’adapter à un nouvel environnement et une nouvelle culture, bien qu’Unsworth lui-même vivait en Ombrie. C’est un livre de murs qui s’écroulent et d’illusions perdues, malgré la chaleur et la lumière du soleil sur les collines.

Pérouse

Un édifice qu’il fallait relever de ses ruines, il y en a un autre en Ombrie. C’est la chapelle Saint-Damien quelques kilomètres en contre-bas de la ville d’Assise. J’avoue y être très attaché du fait de mon prénom. C’est là qu’en 1205 François prie devant un crucifix et qu’il entend le Christ en croix lui demander de « rebâtir sa maison en ruine ». Il prend cette demande au pied de la lettre et avec quelques amis reconstruit la chapelle. Ce sont les premiers pas de l’ordre des Franciscains. Plus tard, il comprendra la portée spirituelle de cette invitation à reconstruire son Eglise.  

Basilique Saint Francois – Assise

Entre-temps la chapelle abrite le premier groupe des Clarisses. François repasse souvent dans cette église et il y compose, en dialecte ombrien, ce que beaucoup considèrent comme la première œuvre littéraire en italien moderne, le Cantique des Créatures ou Cantique de Frère Soleil, dont voici la traduction en Français :

« Très haut, tout puissant et bon Seigneur,
à toi louange, gloire, honneur,
et toute bénédiction ;
à toi seul ils conviennent, ô Très-Haut,
et nul homme n’est digne de te nommer.
Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures,
spécialement messire frère Soleil.
par qui tu nous donnes le jour, la lumière :
il est beau, rayonnant d’une grande splendeur,
et de toi, le Très-Haut, il nous offre le symbole.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur Lune et les étoiles :
dans le ciel tu les as formées,
claires, précieuses et belles.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère Vent,
et pour l’air et pour les nuages,
pour l’azur calme et tous les temps :
grâce à eux tu maintiens en vie toutes les créatures.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur Eau.
qui est très utile et très humble,
précieuse et chaste.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la Terre,
qui nous porte et nous nourrit,
qui produit la diversité des fruits,
avec les fleurs diaprées et les herbes.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour ceux
qui pardonnent par amour pour toi ;
qui supportent épreuves et maladies :
heureux s’ils conservent la paix
car par toi, le Très-Haut, ils seront couronnés.
Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour notre sœur la Mort corporelle
à qui nul homme vivant ne peut échapper.
Malheur à ceux qui meurent en péché mortel ;
heureux ceux qu’elle surprendra faisant ta volonté,
car la seconde mort ne pourra leur nuire.
Louez et bénissez mon Seigneur,
rendez-lui grâce et servez-le
en toute humilité ! »

Saint François prêchant aux oiseaux – Fresque de Giotto, Basilique Saint Francois – Assise

L’histoire veut que les derniers vers sur la Mort corporelle aient été rajoutés alors que François était mourant à Saint-Damien. La chapelle et le petit couvent construit autour ont à peine changé depuis le 13ème siècle et la puissance toute simple du cantique demeure.

Chapelle de la Madonna de San Brizio par Signorelli – Cathédrale d’Orvieto

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