Zimbabwe: The Last Resort par Douglas Rogers.

Les fermiers blancs du Zimbabwe, l’ancienne Rhodésie du Sud, ne sont pas a priori la minorité ethnique dont le sort inspire le plus la compassion. Ancienne classe politique dominante sous le régime de Ian Smith qui refusa la décolonisation de 1964 à 1979, on s’imagine volontiers qu’ils ont encore de beaux restes.

Ce fut sûrement mon impression lors de ma première visite en 1997. Avant de partir vers les chutes Victoria et une descente de trois jours du Zambèze en kayak, nous avions séjourné quelques jours chez le propriétaire d’une grosse plantation de tabac non loin de Harare. Un accueil exquis et charmant, un domaine géré de main de maître, avec sa piste d’atterrissage et sa réserve animalière privées : les efforts de cet homme d’affaire qui était parti de zéro dans les années 50 semblaient continuer à porter leurs fruits durant les premières années de l’ère Mugabe.

Les parents de Douglas Rogers devaient, toutes proportions gardées, connaître une expérience similaire. Vers la même époque, son père Lyn avait quitté sa pratique d’avocat à Mutare pour ouvrir avec sa femme Rosalind, « Drifters », un lodge pour backpackers dans les collines du Manicaland à l’est du pays, près de la frontière mozambicaine. Le lodge était encensé par le « Lonely Planet » et accueillait des soirées pizzas très populaires parmi les fermiers locaux les week-ends.

C’est l’histoire de ce lodge qui est au cœur du livre « The Last Resort » écrit par Douglas Rogers, comme le récit de l’histoire de ses parents, de leur lodge, mais aussi comme la redécouverte par l’auteur de son pays et de ses racines. En 2000, pour des raisons essentiellement politiques, Mugabe met en œuvre une politique d’expropriation des fermiers blancs. Les bénéficiaires doivent en théorie être les vétérans de la guerre d’indépendance. En pratique, ce sont surtout les gros bonnets du régime.

 

Les fermiers doivent quitter du jour au lendemain et sans contrepartie leurs propriétés. Certaines expulsions se font dans la violence. Plusieurs des voisins de Lyn et Rosalynd viennent trouver refuge dans les chalets de « Drifters » que les touristes ont désertés. Bientôt se joindront à eux des membres du MDC, le parti de l’opposition politique à Mugabe, qui s’y cachent pour échapper aux persécutions. Douglas Rogers vient rendre visite à ses parents alors qu’ils s’attendent à une éviction imminente et qu’ils se débrouillent comme ils peuvent pour maintenir l’affaire à flots. Il découvre que ses parents font pousser de la marijuana, que le gérant qui s’est imposé pour exploiter le restaurant l’a transformé en discothèque, et même en maison de passe pour les nantis. La découverte de mines de diamants dans la région exacerbe encore les tensions, dans une ambiance de plus en plus surréaliste, alors que le pays s’enfonce dans une spirale inflatoire durant laquelle les billets de 100 trillions de dollars zimbabwéens ne valent plus le papier sur lequel ils sont imprimés.

Le livre est plein de situations cocasses, mais est aussi très attachant. Loin d’une litanie de complaintes, il dresse le portrait bienveillant et plein d’humour d’un pays et d’une population – noire et blanche – à l’histoire complexe et difficile mais aux ressources surprenantes face à l’adversité.

The Last Resort: A work-in-progress from Isa Jacobson on Vimeo.

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