Il y a quelque chose de magique dans les arrivées à New-York. En voiture ou en bus, quand soudain après des miles de banlieue industrielle au New Jersey apparaissent les tours hérissés sur toute la longueur de Manhattan. Ou lorsque l’on découvre la forme de l’île lors après un virage de l’avion avant d’atterrir à JFK, La Guardia voire Newark. Ou quand on sort de Penn Station en émergeant directement sur les trottoirs de la 8ème Avenue, cherchant les coins de ciels entre les hautes rangées de buildings.
Arriver à New-York, c’est souvent prendre un nouveau départ. Ce fut le cas pour des millions d’immigrants arrivés aux Etats-Unis par Ellis Island, à quelques encablures et sous le regard bienveillant de la Statue de la Liberté. Je me souviens aussi de ce jeune allemand avec qui, lors de ma première visite dans la ville, je partageais un dortoir dans l’auberge de jeunesse près de la 103ème rue à quelques blocs de Harlem et Columbia University. Il venait de débarquer, n’avait pris qu’un vol aller-simple et s’habillait chaque matin en costume-cravate pour aller trouver un boulot dans des agences de voyage, rêvant de réussir dans ce secteur.
Le roman « City on Fire » de Garth Risk Hallberg est aussi rempli de nouveaux départs. Même s’il se situe à la fin des années 70, dans une période où New-York semble s’enfoncer dans le déclin. C’est la période punk, en 1976-77. L’Amérique vient de fêter son bicentenaire, mais sa ville-phare sombre : crime, drogue, graffitis, rues insalubres, des quartiers entiers qui brûlent la nuit, la municipalité en faillite. Les journalistes dans leurs titres font dire au Président Ford qui refuse qui de sauver la ville de la banqueroute « Ford to City : Drop Dead ».
Charlie Weisbarger et Samantha Cicciaro sont deux adolescents qui fuient leurs familles décomposées et l’ennui suburbain de Long Island. Ils prennent le train, débarquent dans Manhattan pour y découvrir la scène punk et notamment le groupe Ex Post Facto que son leader Billy-Three-Sticks vient de quitter. Les coups de feu tirés sur Samantha dans la neige à Central Park le soir du réveillon forment le nœud à partir duquel s’articulent les personnages et la trame du roman.
C’est Mercer Goodman, un jeune noir monté à New-York de Géorgie pour y écrire un grand roman – et accessoirement pour enseigner l’anglais dans une école de jeunes filles – qui, alors qu’il attend le bus sous la neige, entend le premier les appels à l’aide de la jeune fille. Mercer est aussi l’amant de William Hamilton-Sweeney, un peintre, héritier en rupture de ban d’une des grandes dynasties financières de la ville. William n’est autre que Billy-Three-Sticks, ancien leader d’Ex Post Facto.
Le roman culmine lors du “black-out” de juillet 1977, la longue coupure d’électricité qui plongera la ville pendant près de 24 heures dans le chaos et les pillages. Mais dans le livre de Hallberg, c’est pendant ces heures que les différents protagonistes sortent de leurs carcans et des ornières qu’ils s’étaient creusées, se retrouvent et redémarrent. Comme quoi, à New York, de la destruction nait toujours la création.
Merci à Valentine Petit pour les photos.