Bangkok: Café Lovely (Sightseeing) par Rattawut Lapcharoensap

One night in Bangkok makes a hard man humble” chantait Murray Head au milieu des années 80. Dans la capitale thaïlandaise, je préfère les petits matins. Je profite du décalage horaire pour me lever avant le soleil, monter dans un des premiers « sky trains » du BTS et filer explorer un des quartiers de la ville. Quel plaisir de visiter les temples de Wat Pho à l’ouverture, presque vides, et de croiser en sortant les attroupements de touristes derrière leurs guides hissant un drapeau coloré qui déferlent à travers les portiques d’entrée. Un autre matin, alors que je débarquais d’un express boat, la Chao Phraya débordait et pénétrait par petits clapotis entre les sacs de sable censés protéger de l’inondation. Le quartier se réveillait et vaquait à ses premières occupations marchant parfois les pieds dans l’eau, parfois empruntant des planches de bois humides.

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Lors de ma dernière visite, je suis parti déambuler dans le marché de Khlong Toey. C’est là que se vend le gros de la nourriture qui va alimenter la ville et ses restaurants. La lumière toute fraîche du soleil levant révèle les couleurs des étals de fruits, légumes et épices. Les bouchers découpent en morceaux les carcasses de bœuf ou de porc. Les poulets et les canards, vivants dans leurs cages, sont sortis et abattus devant le client. Les bassines d’eau accueillent les poissons, tortues et grenouilles qui frétillent juste avant d’être éviscérés par des mains expertes. Le vendeur de sauces pimentées mélange ses préparations. Les porteurs avec leurs diables et leurs vareuses de couleurs numérotées se mettent au service des restaurateurs qui font leurs achats matinaux. Des bonzes dans leurs robes orange font leur tournée en récitant une ritournelle de prières et quelques vendeuses leur font une obole en nature, s’inclinant respectueusement. Çà et là, un badaud d’arrête pour acheter quelques fleurs.

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C’est la vie de Bangkok, loin des shopping malls rutilants et des attractions touristiques. Chaque étal pourrait peut-être raconter une histoire semblable à celles qui font la richesse du recueil de nouvelles « Café Lovely » (« Sightseeing » dans sa version originale anglaise) de Rattawut Lapcharoensap. J’ai beaucoup aimé ce livre qui part d’épisodes de la vie quotidienne, décrits avec humour et tendresse, pour dresser un tableau attirant mais sans complaisance ou clichés de la Thaïlande.

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Ainsi la nouvelle « la Loterie » raconte le processus de sélection pour le service militaire dans un quartier. Une loterie est organisée pour déterminer ceux qui devront prendre l’uniforme pendant deux ans. En théorie, le narrateur est parmi les appelés potentiels, mais pour lui les dés sont pipés : ses parents, bien introduits, se sont arrangés avec les officiels pour faire en sorte que son nom ne sorte pas. Il assiste au tirage et doit affronter le regard de ses amis qui n’ont pas de passe-droits.

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« Priscilla La Cambodgienne » est une histoire qui se passe à la limite entre un sordide camp de réfugiés du Cambodge et un quartier un rien plus aisé habité par des Thaïlandais. Comme partout ailleurs, les réfugiés font peur et s’attirent la haine de leurs voisins : on leur lance des pierres, leurs abris précaires sont renversés. Les jeunes adolescents thaïs s’amusent à terroriser les gamins cambodgiens. Mais une petite fille, Priscilla, n’a pas froid aux yeux et attire le regard d’un des jeunes thaïs.

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« Combat de coqs » est le récit le plus long du recueil. Un père de famille élève des coqs de combat. Ses récents succès lui sont montés à la tête et il se donne corps et âme à sa passion, ignorant sa femme et sa fille, dormant même dans le poulailler. Il relève un défi dans lequel il pourrait gagner très gros – ou tout perdre-  contre le fils du chef mafieux local, qui par ailleurs fait des avances peu appréciées à sa fille Ladda.

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Lapcharoensap est un écrivain thaïlandais qui est né et a en partie grandi à Chicago. Il est dès lors très bien placé pour percevoir les deux angles de vue, celui des Thaïs et celui des étrangers qui visitent le pays. Par exemple, dans « Je ne veux pas mourir ici », un vieillard américain devenu incapable de se suffire à lui-même a dû quitter les environs de Baltimore pour vivre avec son fils et sa belle-fille thaïlandaise et est confronté à des habitudes et une cuisine qu’il ne connaît pas et à des petits-enfants qui parlent une langue dont il ne comprend rien. Ou dans « Les Farangs », il épingle cette carte postale envoyée par une touriste américaine qui a eu une aventure amoureuse avec le fils d’hôteliers. La carte lui dit qu’elle se réjouirait de l’accueillir aux Etats-Unis, mais omet consciencieusement d’indiquer une adresse de contact.

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2 réflexions sur “Bangkok: Café Lovely (Sightseeing) par Rattawut Lapcharoensap”

  1. Pour moi ce sera le joli poisson rose en bas à gauche, celui qui a l’oeil vif et le sourire engageant.
    Merci pour ce marché coloré où tout semble frais et alléchant. Merci aussi pour la présentation des nouvelles de Café Lovely.
    Bonne journée et à bientôt pour une nouvelle destination,
    Claire

    • Merci Claire. Le poisson est pour vous. J’ai d’autres photos: grenouilles vivantes et puis éviscérées, tortues sortant la tête de leur bassine et tête de porc fraîchement coupée. Mais c’est un peu moins alléchant.
      Damien